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yves Publié le 1 novembre 2007 Mis à jour le 1 novembre 2007 Imprimer cette Page

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Pontypool

Les premières expérimentations de « japanning » sur du fer-blanc furent menées à Pontypool.

Cette ville, tournée vers l’industrie du fer dès sa fondation, fut aussi la première à utiliser un procédé de production d’étain en feuilles.

Des expérimentations y furent menées sur différentes méthodes de finition du métal qui conduisirent à la production de pièces de vaisselle en étain dites « japanned ».

Le « japanning » appliqué au fer-blanc

Quand John Hanbury reprit les affaires familiales en 1685, il était le premier de la famille à s’installer à Pontypool, ce qu’il fit pour gérer les activités dans le domaine du fer. Il rassembla autour de lui un groupe de producteurs expérimentés et sa manufacture commença vite à produire des quantités significatives d’articles en fer qui étaient de qualité supérieure.

Un de ses gérants, nommé Thomas Allgood, fut amené à mener de nombreux essais pour tester la qualité du fer produit. C’est durant ces essais qu’il découvrit une matière qui pouvait être utilisée pour recouvrir le métal et qui, chauffée à bonne température, créait en surface une couche laquée, brillante et dure. Sa priorité allant à la gestion, il ne se soucia pas de voir comment sa découverte pouvait être utilisée.

Il mourut en 1716 et son fils Edward prit sa place. Avec son frère John, c’est lui qui allait exploiter la découverte de son père. C’est en 1732, quand Charles Hanbury se retira des affaires, que la première production à petite échelle de « japanware » commença en Angleterre.

Le procédé de fabrication

La famille Allgood s’attacha à conserver le secret du procédé. Ce qui suit en donne une idée raisonnable mais qui ne peut être tenue pour certaine :

1 Les barres de fer étaient d’abord transformées en feuilles par des rouleaux.

2 Les feuilles de tôle ainsi obtenues étaient nettoyées et plongées dans un bain d’étain en fusion, ce qui déposait

une fine couche résistante à la rouille.

3 Elles étaient ensuite plongées dans un bain de céréales fermentées qui agissait comme un acide.

Cela les nettoyait suffisamment pour être aptes à recevoir un décor.

4 Les feuilles étaient alors coupées en bandes ce qui autorisait leur mise en forme.

On ne connaît pas les outils qui étaient utilisés pour cette mise en forme, mais il est possible qu’ils aient été

Assez semblables à ceux des artisans qui travaillent l’argent aujourd’hui.

5 On appliquait une couche d’un vernis composé d’une mixture d’huile, d’une substance verdâtre et d’une sorte

de poudre de charbon) et l’objet était introduit dans une étuve qui transformait le vernis en une surface noire,

dure et brillante.

6 La pièce était alors décorée.

Un fini rappelant l’écaille de tortue était parfois appliqué avant la décoration.

7 On passait alors plusieurs couches de vernis.

8 La pièce était à nouveau passée à l’étuve, ce qui achevait de lui donner une surface très résistante.

La famille Allgoods

Les Allgoods installèrent leur activité dans un petit cottage à Trosnant. Au début, les pièces produites étaient

de petits objets à usage domestique tels des bougeoirs, des plateaux pour le thé, des assiettes à beurre et des boîtes à poudre. Ils étaient décorés à l’imitation de l’écaille de tortue avec des paysages chinois, des personnages

ou des motifs floraux.

L’activité ne tarda pas à prendre de l’ampleur. Des clients commencèrent à passer commande de pièces spéciales : tabatières, plateaux ornés de portraits de membres de la famille ou de vues du manoir de famille ou de son parc.

La mode du « japanware » se répandit, bien que ces objets, produits à Pontypool, fussent très onéreux donc accessibles uniquement aux gens fortunés.

L’engouement pour le « japanware » de Pontypool fut tel qu’on prétend que Charles Hanbury fit présent à la Grande Catherine de quelques belles pièces lorsqu’il était ambassadeur à la cour de Russie entre 1755 et 1757.

La demande ne faisant que croître, l’activité s’amplifia et prospéra. Elle s’exporta largement, notamment en Amérique. Des manufactures s’implantèrent à Usk, dans les Midlands, mais le « japanware » fabriqué à Pontypool était considéré comme le meilleur.

La famille Algood continua à garder jalousement le secret de la recette originelle de son vernis.

La rivalité entre Usk et Pontypool

Avant que Edward Allgood ne meure en 1763, la production de « Japanware » était passée entre les mains de ses fils et neveux, Thomas, Edward, John et Thomas. Quasi immédiatement après, de sévères dissensions se développèrent entre eux ; Thomas et Edward abandonnèrent les activités sur Pontypool et établirent leur propre manufacture à Usk, à quelques lieues de là. La majorité des appuis financiers de l’entreprise et des ouvriers les suivirent.

John et son cousin Thomas restèrent à Pontypool et durent s’appuyer sur l’aide financière de deux avocats, Davies et Edwards. Leur investissement permit d’assurer le capital nécessaire pour maintenir la marche de l’entreprise et remplacer certains employés indispensables partis à Usk, tels John Stockam, le principal décorateur. Il fut remplacé par Benjamin Barker dont le style maniéré caractérise la production de Pontypool de 1763 à 1781.

Durant les vingt années suivant la rupture, les productions de Pontypool prospérèrent et se vendirent par l’intermédiaire de marchands dans les plus grandes villes d’angleterre. De nombreuses pièces furent commandées par des familles fortunées ce dont témoignent par exemple une vue de la Pontypool Park House (1765) et les armes de Sir Hildebrand Jacob (c.1770). Des pièces moins onéreuses furent exportées en Amérique par des marchands de Bristol.

En 1800, « Le Voyage au Pays de Galles » d’Evans décrit ainsi le « japanware » de Pontypool :

«Vu partout ; partout admiré ! Il y a bien sûr beaucoup d’imitations, à Birmingham et ailleurs, mais elles sont inférieures aux productions de la manufacture originale».

Les dernières années

En 1779, Thomas meurt. Une nouvelle dispute survient à nouveau entre ses héritiers, ses fils Henry et William. Henry part à Birmingham où il travaille avec une manufacture de « japanning » installée depuis 1740, John Taylor & Co. William poursuit seul l’activité et, du fait de sa capacité naturelle de vendeur, est surnommé « l’homme à la valise ».

Les manufactures du Midland avaient atteint leur propre maturité, produisant un « japanware » d’excellente qualité qui entrait en compétition avec celui de Pontypool. La manufacture rivale de Usk était toujours en activité.

Pour contrer cette concurrence, William entreprit d’accroître sa production, de baisser les prix et d’augmenter la qualité. De nouveaux marchés, en attente de produits finis, apparaissaient en France, en Hollande et en Amérique. Peu fragiles, ces produits ne posaient pas de problème pour être transportés sur de longues distances.

Des exemples de la production de Pontypool peuvent ainsi se rencontrer dans de grandes maisons de la côte Est des Etats-Unis. Paul Revere, négociant d’objets en argent en temps de paix, mais surtout connu pour son rôle dans la guerre d’indépendance, vendait du « japanware » dans son magasin de Boston.

L’accroissement de la production sous William induisit une nouvelle et plus large activité. La production se répartit en deux endroits de Crane Street. Upper Crane Street devint alors connue sous le nom de Japan Street.

Malheureusement, du fait des disputes familiales, la manufacture de Pontypool déclina. Elle ferma en 1817.

En 1926, les bâtiments furent démolis. Il ne nous reste que le souvenir d’une activité qui fut célèbre dans le monde par la beauté des objets qu’elle produisait.

Usk

Quand Edward Allgood mourut en 1763, une discorde éclata entre ses trois fils et neveux (John, Thomas, Edward et Thomas). Elle finit avec le départ de deux des fils qui quittèrent Pontypool pour installer leur propre manufacture à Usk, attirant d’ailleurs la majorité des soutiens financiers et des ouvriers. On dit que la querelle survint à propos du partage des secrets du procédé de fabrication, querelle qui ne fit que se compliquer, le temps passant.

Les rivalités des années 1760

Une période d’intense rivalité suivit donc la rupture entre les productions de Usk et la manufacture de Pontypool. Une série d’annonces, parues dans le « Gloucester Journal » à l’été 1763, constituent une intéressante source d’informations sur les deux manufactures. Elles révèlent que la manufacture de Usk avait au moins trois agents de vente dans le quartier marchand, à la mode, de Londres, ce qui témoigne de la notoriété de ses produits. Cela montre aussi clairement que la plus grande part des avoirs et des clients de la manufacture originelle avaient été récupérés par Usk après la dispute.

Les dernières années à Usk

Les activités de Usk continuèrent à être florissantes jusqu’au tournant du 19ème siècle, quand Edward Allgood mourut. Il avait vécu plus longtemps que son frère Thomas et son neveu Thomas. A sa mort, ses activités furent transmises à John Hugues, puis John Pyrke et finalement à Evan Jones vers 1826, lequel eut du mal à concurrencer le « japanware » sur métal et papier mâché, moins onéreux produit par les Midlands.

Il relégua la vente du « japanware » dans l’arrière boutique de son commerce de détail et en réduisit la production. Le commerce s’étiola, en particulier après l’apparition des procédés de décoration par électrolyse. La vente cessa à la mort de Evan Jones en 1860 et le stock restant fut vendu aux enchères.

Midlands

Dans les Midlands, une finition « japanned » était appliquée à une large variété de produits incluant le fer-blanc, le papier mâché, le bois, l’ardoise et le cuivre. Une partie du 18ème siècle et durant tout le 19ème siècle, les Midlands furent le premier centre pour cette industrie, en particulier à Birmingham et à Wolverhampton, villes caractérisées par une production de grande qualité.

Les musées de Wolverhampton sont connus comme détenant la plus large collection publique de produits « japanned » d’Angleterre.

De nombreuses manufactures expérimentèrent divers revêtements destinés aux objets en métal ou en bois afin de rivaliser avec les objets laqués ou « japanned », qui étaient alors à la mode mais onéreux.

Du fait des déplacements d’ouvriers de cette industrie, entre le Sud du Pays de Galles et les Midlands, tous les objets en étain « japanned » étaient décrits comme provenant de Pontypool. Beaucoup de manufactures des Midlands se décrivent d’ailleurs elles-mêmes comme produisant un « fin travail de Pontypool ». C’est probablement dû à l’origine, à la qualité et à la conception des formes et décors des premières productions de Pontypoll.

Le succès de la production de « japanning » des Midlands est largement dû à l’esprit d’entreprise de quatre hommes : John Taylor, John Baskerville, Stephen Bedford et Henry Clay. Taylor se concentra sur la production de petites pièces telles que des boutons émaillés et des boîtes à mouchettes en étain. Baskerville breveta, en 1742, un procédé de façonnage des pièces de vaisselle par des rouleaux ayant la forme désirée. Stephen Bedford fut le premier à être enregistré comme « japanner » en 1755. Il perfectionna un vernis pour le papier mâché et expérimenta également des finitions pour le bois. Henry Clay développa une large et fructueuse activité et fut un pionnier dans l’utilisation d’une puissante forme pour papier mâché, ce qui accrut la variété des usages qu’on pouvait faire de cette matière.

Birmingham

En 1753, Henry Clay fut apprenti, à Bermingham, chez John Allport, peintre et dessinateur, avant d’établir un partenariat avec John Gibbons, installé à Newhall St, Birmingham. Il s’établit finalement lui-même à son compte en 1772, obtenant des lettres patentes de producteur de panneaux en papier mâché vernis de toutes sortes, pour des usages aussi bien pratiques que décoratifs, dont des panneaux et des toits pour les carrosses. Il s’agissait d’un matériau extrêmement dur et résistant. On a pu parler de « papier métal »!

La firme Jennens and Bettridge prit plus tard la relève de Henry Clay. Elle se focalisa au départ sur la production de plateaux en papier mâché. Joseph Booth, employé comme décorateur et célèbre pour ses imitations d’ornementations chinoises et japonaises, décora ainsi un plateau dans le style chinois pour le Prince Régent.

La firme, forte de ce royal soutien, se désignait comme « Japenners ordinaires de sa Majesté ».

Elle connut aussi des développements dans la préparation de coquilles d’huîtres, fort utilisées dans la décoration des objets « japenned ». Elle obtint aussi des lettres patentes lui permettant d’utiliser des morceaux de verre, des pierres semi-précieuses, des perles, de l’émail et autres matières pour ses décorations.

Elle fut en pointe dans la décoration « japanned ».En 1844, « The Penny Magazine » de décembre la décrit comme l’une « des plus raffinées et plus intéressantes manufactures de Birmingham, où le papier mâché est porté à un haut degré de beauté ». C’était une des plus grandes manufactures, en constant progrès et qui atteint un rayonnement mondial.

Wolverhampton

Wolverhampton était une ville bien assise dans la métallurgie, mais qui, de façon surprenante, ne se livra au commerce du « japanware » que vers le milieu du 18ème siècle.

Le premier fabricant reconnu à Wolverhampton fut un certain John qui avait travaillé auparavant à Pontypool. Il s’associa au sieur Taylor et établit une manufacture produisant de la tôle peinte et du papier mâché : « The Old Hall Works ». On sait peu de choses sur sa production et les activités furent reprises en 1783 par Obadhia et William Ryton.

Vers 1800, un désaccord industriel survint et beaucoup des ouvriers et des décorateurs passèrent dans d’autres manufactures, certains s’établissant même à leur compte. Cependant, la fabrique survécut et on la connaît surtout comme ayant employé Edward Bird dont on pense qu’il fut le premier à avoir décoré des plateaux ovales en étain d’une couche dorée polie.

En 1820, Benjamin Walton rejoignit la fabrique et la reprit au départ de William Ryton. Il eut une grande influence sur le style décoratif de la manufacture. Il introduisit des décors figurant des intérieurs d’église, des maisons ou châteaux célèbres, peints sur des fonds dorés ou de couleur bronze. Ce style fut connu sous le nom de « Wolverhamton style » et fut presque immédiatement copié par la concurrence.

Lors de la récession vers 1840, la manufacture fut mise en faillite mais fut rapidement reprise par Frederik, le fils de Walton, qui la redressa et parvint à produire des pièces très prisées lors des expositions des années 1850.

Son influence s’élargit et il semble que beaucoup de manufactures de Wolverhampton aient été fondées par des hommes qui avaient fait leurs armes à « Old Hall Works ».

Les activités cessèrent en 1882 et les bâtiments furent démolis en 1883.

Les frères Mander

En 1792, les frères Mander établirent une boutique de « japanning » à John Street, Wolverhampton. Benjamin en assurait la direction avec Charles, vernisseur, et John, pharmacien chimiste. On sait peu de choses des premières productions mais, en 1811, ils fournirent un cartonnier et certains objets aux chambellans de Worcester, à côté de porcelainiers et de détaillants d’objets à la mode. Cela donne une indication sur le haut niveau de standing de la firme.

Charles Mander, le fils de Benjamin, prit la direction en 1818. Vers 1830, le commerce des objets vernis semble avoir pris le pas sur le « japanware ». Cependant la production continua jusque vers 1840, quand Mander décida de se concentrer sur le vernis et vendit sa manufacture de « japanware » à William Shoolbred. Mander continua cependant à fournir les manufactures en vernis.

Henry Loveridge and C°

Peu après, Shoolbred s’associa avec Henry Loveridge et transféra les premières installations de John Street à « The Merridale Works » qui fut achevé en 1848. La firme prospéra après plusieurs associations pour devenir finalement « Henry Lovridge and Co », l’une des plus importantes manufactures de « japanware » dans les Midlands. Au début, on s’interrogeait sur le bon goût de la firme dans la mesure où elle fabriquait principalement des articles d’usage plutôt que décoratifs. Cependant, à l’Exposition de 1867 à Paris, ses produits furent qualifiés d’ « hautement satisfaisants », ce qui corrobore son savoir-faire et sa réputation grandissante.

La firme employa un artiste nommé Richard Stubbs. De nombreuses pièces dont on lui est redevable ont survécu et sont maintenant exposés à Bantock House. Cette collection est intéressante parce que c’est une des rares où la production d’un artiste en « jappaning » peut être réellement attribuée.

Bilston

La première mention de « japanners » dans les registres paroissiaux de Bilston apparaît en 1718. Joseph Allen et Samuel Stone sont cités, mais à titre accessoire, car leur première activité était celle de l’industrie du métal, laquelle fut reconnue de plein droit en 1781.

Les manufactures de Bliston fabriquaient peu de papier mâché et produisaient généralement des articles de bas de gamme. Cela est dû au fait qu’elles exportaient la majorité de leur production vers l’Espagne et l’Amérique du Sud où la qualité passait derrière le goût des couleurs brillantes et des bas prix. Le coût du travail était aussi plus bas à Bilston que dans les autres centres de production des Midlands. Les manufactures de Bilston furent de ce fait bien moins touchées par les évolutions du marché ou les changements de goût et de modes.

Un petit nombre de manufactures survécurent jusque vers 1930.

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