6.3 *Procédé d’impression et application de gravures
yves Publié le 24 mai 2007 Mis à jour le 29 août 2009
Le procédé d’impression
On a utilisé pour la décoration des objets en tôle vernissée
le même procédé d’impression que celui utilisé pour décorer les faïences fines,
notamment par les manufactures de Creil, de Montereau et de Choisy- le- Roi. Le
procédé d’impression, découvert en
Angleterre au milieu du 18ème siècle, était arrivé en France après bien
des péripéties.
Au début du 19ème siècle, le plus connu des
« facteurs d’impression » spécialisés dans la pose de décors imprimés est Antoine
Legros d’Anizy. Associé à John Hurford Stone, un Anglais, et à Athanase Marie-Martin
Coquerel, il obtient un brevet en 1808.
Installés tous trois rue du Cadran à Paris, ils appliquent,
par un procédé de décalcomanie, des décors de gravures sur des faïences fines mais
également sur bien d’autres supports tels que la tôle ou le carton bouilli.
De 1808 à 1818, ils sont associés au sein d’une « manufacture
de décor sur porcelaines» qui exploite le procédé d’impression, protégé par
brevet, qu’ils détiennent, Les fabriques
de faïences leur envoient leurs pièces pour être décorées. Les manufactures de tôle
peinte font de même.
Les décors imprimés en noir sur fond de couleur reprennent,
le plus souvent, des scènes tirées de la mythologie, de l’histoire et de la littérature.
La commande du décor est faite à la demande parmi une très riche variété de gravures
comme l’énumère un supplément de l’Almanach du
commerce de 1808: « les sujets des fables de La Fontaine , les portraits
des grands hommes, anciens ou modernes, les vues pittoresques, châteaux et maisons
de campagne de différents pays, les principaux traits de l’histoire de France et
de l’histoire romaine, les cartes géographiques de chaque département de l’Empire
français, les monuments de Paris et de ses environs, les pierres gravées, les attributs
maçonniques …, le tout d’après les dessins des meilleurs artistes ».
On conçoit que le procédé ait été plus aisé à appliquer
sur des pièces plates que sur des objets de forme : il se rencontre donc, la plupart
du temps, sur des plateaux, des porte mouchettes, des vide-poches…
Le lecteur trouvera ci-dessous la transcription des brevets
déposés en leur temps par Legros d’Anisy, Stone et Coquerel, dont la copie (cotes
205-425 à 205-433) nous a été aimablement fournie par le conservateur du musée Gallé-Juillet
à Creil. On a voulu conserver l’orthographe de l’époque, parfois approximative.
Brevet de dix ans délivré le 26 février 1808
Procédé de la manufacture
d’impressions de toutes sortes de dessins et gravures sur fayence, terre de pipe,
porcelaine, cristaux,
tôle, bois vernissé, or, argent, écaille, yvoire, toille, et autres
objects pouvant ou non supporter la cilindre par leur forme ou leur nature et appartenant,
style=”mso-spacerun: yes”> la dite manufacture et procédé, en société,
à Antoine Legros d’Anisy, peintre sur porcelaine,
attaché à la manufacture impériale et royale de Sèvres, pour la transmission des
gravures, blasons et chiffres sur toutes les porcelaines destinées au service des
Palais impériaux ; Jean Hurford Stone et
Marie-Martin Athanase Coquerel, tous deux
anciens propriétaires fondateurs de la manufacture de fayence blanche et cristaux,
établie à Creil sur Oise, domiciliés à Paris.
La dite manufacture,
établie à Paris, rue du Cadran, ci-devant Du Bout du Monde, n°17 et 19, sous
la raison Manufacture d’impression sur fayence, porcelaine,
etc, etc, à Paris, avec la marque sur toutes les pièces à fabriquer des trois lettres
L S C .
Le procédé se divise en cinq opérations principales qui
sont : la mixtion, la préparation du papier, la couleur, l’application et la cuisson.
La mixtion se compose d’une partie de gomme arabique, de
résine et de thérébentine en suffisante quantité. Ces trois matières combinées et
cuites s’appliquent sur l’émail ou autres objets qu’on veut imprimer en imbibant
un linge et frottant sur la pièce que l’on fait ensuite sécher soit au feu soit
à l’air.
Préparation du papier
L’eau pour la préparation du papier se compose avec du
fiel de carpe (1) et de la potasse,
mêlés en quantité suffisante, et filtrée.
Cette eau sert à tremper le papier sur lequel on imprime
ensuite.
La couleur dont on se sert pour remplir la taille des planches
se compose pour le noir de sulfate de manganèse passé à l’état de carbonate, de
sulfate de cuivre en cristaux de Vénus (2) cristallisé et grillé puis passé à l’état
de carbonate plus du cobalt de Suède.
On tire l’épreuve sur du papier à filtre dit Joseph (3)
que l’on a trempé dans l’eau préparée comme dit ci-dessus
et laissé s’essuyer. Le tirage à la manière ordinaire. Ensuite on jette l’épreuve
à la surface de cette même eau et on la relève un quart d’heure après en la mettant
ressuyer de nouveau sur du papier non collé et on l’applique sur la pièce mixtionnée
; puis avec un petit tampon de papier Joseph imbibé de cette même eau, on appuie
sur l’épreuve jusqu’à parfaite impression.
Cuisson
La cuisson s’effectue sur des moufles comme pour la porcelaine
jusqu’à ce que l’impression soit passée sous l’émail.
Résultats
Les résultats qu’obtiennent les dits sieurs Legros Stone
et Coquerel par leur procédé est d’offrir au public des fayences , porcelaines et
autres objets aussi bien imprimés que sur le plus beau papier avec l’avantage de
donner aux émaux plus de dureté et de solidité
par une nouvelle cuisson, notamment sur la fayence dite terre de pipe dont
l’émail fabriqué en France est très tendre.
Paris ce dix janvier 1808
Legros Stone Coquerel
Certificat d’addition, délivré le 30 octobre
1809, au précédent brevet
A son Excellence
le Ministre de l’Intérieur,
Monseigneur,
Les soussignés propriétaires
de la manufacture d’impression sur faïences, porcelaines et autres objets, établie
à Paris rue du Cadran n°9, vu les procédés dont ils sont inventeurs aux termes des
Brevets d’invention et de perfectionnement à eux accordés le 26 février de l’année
dernière, prient votre Excellence de vouloir bien solliciter auprès de sa Majesté
Impériale et Royale, pour eux, un second
brevet additionnel de changement et de perfectionnement conformément aux procédés
ci-après énoncés.
Les procédés se composent toujours des opérations principales
qui sont : 1° la mixtion, 2° l’au pour tremper le papier avant ou après l’impression,
3°le papier, 4°la manière de transmettre ou de décalquer l’épreuve sur la pièce
mixtionnée qu’on veut imprimer à l’aide de tampons de papier ou de linge, 5° la
cuisson.
Le perfectionnement trouvé pour la mixtion est qu’ils se
servent tout simplement de vernis gras dit vernis copale qu’on étend soit avec l’essence
de thérébentine ou avec l’esprit de vin (4). Il entre encore dans ce perfectionnement
de ne pas ses servir du tout de mixtion, particulièrement pour l’impression sur
verre, glacette, où sa teinte nuit à la transparence ; on y supplée en faisant chauffer
la pièce que l’on veut imprimer et en mouillant la gravure plusieurs fois pour la
faire décalquer.
Il entre encore dans les nouveaux moyens d’opérer de se
servir de cire dont on frotte la pièce, ce qui sert de mixtion. Enfin toutes les
cires, dissoutes par leurs dissolvants connus,
peuvent aussi en servir.
Les colles de Flandre (5) et autres, en les dissolvant
de même manière, ont aussi les mêmes propriétés. Les inventeurs ont aussi reconnu
que l’eau, pour tremper leur papier avant ou après impression, pourrait remplacer
celle où ils mettaient de la potasse et du fiel de carpe. Quant au papier, soit
pâte Joseph ou vélin, donne toujours les décalques les plus faciles et les plus
parfaits pour la transmission des gravures sur les pièces mixtionnées. On emploie
pour remplacer les tampons un instrument appelé roulette qui accélère de plus de
moitié le décalque. Cette roulette se recouvre de lanières de peau, de linge ou
d’étoffe quelconque. On y adapte un manche et on la roule légèrement et en tous
sens sur le revers de l’épreuve préalablement posée sur le papier qu’on veut imprimer.
Son action accélère et perfectionne considérablement l’opération ;
ainsi qu’on l’a dit elle remplace avantageusement le tampon dont on servait
dans les premiers travaux, tellement même qu’une femme avec la roulette peut facilement
imprimer 200 ou 250 assiettes par jour.
Il est encore un autre instrument dont se servent les inventeurs
pour de certaines pièces telles que plats, assiettes etc. C’est une espèce de contre
moule dont le dessous est recouvert en étoffe comme les dites roulettes. C’est un
rond de bois. Cet espèce de contre moule et la pièce sur laquelle est l’épreuve
pour être décalquée, se passe sous une presse à vis ou à caractère ;
par une légère pression réitérée, l’épreuve se trouve transportée sur la
pièce.
Par le moyen de cet espèce de contre moule, trois personnes
impriment aisément 900 à 1000 pièces par jour. Les inventeurs ont dit aussi, dans
la description de leur cuisson, qu’ils se servent de moufles à l’instar de la porcelaine
mais ils ont atteint un perfectionnement dont voici la description.
Non seulement ils ont inventé une espèce de machine pour
supporter les assiettes en terre de pipe, plats et autres pièces qui, si elles se
touchaient à la cuisson, se colleraient ensemble l’émail entrant en fusion, et ont
donné à ces sortes de machines le nom de crémaillères parce qu’elles en ont presque
la forme, mais encore ils ont perfectionné les moufles pour la cuisson de leurs
terre de pipe, faïences, porcelaines etc.
Les crémaillères sont des bandes de fer plates et crénelées
en forme de scie ; il s’en élève trois qui forment un triangle, chaque cran recevant
une assiette ou autre pièce. Ces crémaillères remplacent ce dont on se sert dans
les manufactures ordinaires et portant beaucoup plus de marchandises, les dents
étant très rapprochées, on les enduit de blanc d’Espagne pour garantir les marchandises
de l’oxyde de fer, les caisses qui les contiennent étant aussi en fer.
Les inventeurs ont imaginé de faire leur four ou moufle
en longueur et de pratiquer des plaques qui s’élèvent à volonté et séparent chaque
caisse qui sont sur des traîneaux qu’un treuil fait mouvoir, ce qui les faisant
succéder les unes aux autres dans le foyer principal suffisamment chauffé, offre
l’avantage de cuire avec beaucoup moins de bois vingt six moufles par jour au lieu
de quatre ou cinq, parce qu’il faudrait laisser refroidir le moufle pour la défournage.
Coquerel
Par moi et mes associés
Paris 26 septembre 1809
Demande de brevet de perfectionnement
du 27 février 1818
Description de tous
les moyens employés et à employer par le Sr Legros d’Anisy, inventeur des procédés
d’impression de toutes espèces d’épreuves tirées en toutes couleurs même en or argent,
platine , papier, à l’aide de planches de cuivre ou pierre lithographique et transportées
sur faïence émaillée ou non, pierre lithographique pour en perpétuer les épreuves
à l’infini, verres à vitre, cristaux, bois, tôle moirée métallique
vernissée ou non, carton laque, ivoire, or, argent,
fer, acier, ou tout autre matière pouvant supporter l’action de la presse.
Perfectionnement des procédés qui ont mérités à l’auteur
un brevet d’invention pour les objets ci-dessus décrits.
1er Moyen du brevet accordé le 26 février 1808
Il fallait une mixtion composée de résine, de gomme etc.
Perfectionnement: il suffit de vernis gras du commerce
étendu dans la proportion d’un litre sur trois d’essence de thérébentine.
2ème
Moyen du 1er brevet
Le papier exigeait d’être fabriqué de pâte particulière.
Perfectionnement : il suffit que le papier soit sans colle
aucune.
3ème
Moyen du 1er brevet
L’encre de couleur noire se composait de sulfate de manganèse,
de sulfate de cuivre, d’oxide de cuivre, de fondant de plomb composé de sable et
de minium.
Perfectionnement : manganèse en mamelon peu connu dans
le commerce ; ce manganèse se tire de la Bourgogne ; la modicité du prix de cette
couleur noire peut donner la faculté de livrer au commerce des objets imprimés à
un prix plus modéré.
4ème Moyen du 1er brevet
Il fallait des planches gravées sur cuivre.
Principal perfectionnement : depuis la découverte de la
pierre lithographique, l’inventeur a remplacé les cuivres par les gravures faites
sur pierres lithographiques. Il a ajouté à ce perfectionnement l’invention de transmettre
toute espèce de gravure ou épreuve tirée d’un cuivre sur une pierre lithographique,
et par ce transport de tirer avec cette pierre des épreuves aussi belles que celles
provenant de la gravure sur cuivre et se transportant ensuite, tirées sur papier,
avec la même facilité que les épreuves provenant de celles tirées sur cuivre, et
se reportant de même sur faïence, porcelaine, etc.
Afin de constater la véracité de cette découverte utile
aux arts, hors même le transport sur porcelaine, faïence et tous les objets désignés
dans la demande de perfectionnement, je joins une des épreuves tirées que m’adressa
à ce sujet Mr Engelmann (6), sous la date du 17 novembre 1817, après la lui avoir
transportée sur pierre lithographique(qu’il m’avait envoyée), cette même épreuve
provenant de cuivre gravé du plus grand fini ; l’avantage de cette découverte est
qu’une planche gravée sur cuivre devient une espèce de matrice, car chaque épreuve
par ce moyen offre une planche nouvelle et neuve.
Moyen de transmettre une épreuve provenant d’un cuivre
gravé sur la pierre lithographique :
Il consiste à tirer son épreuve comme on le fait en taille
douce et avec le même noir(dit végétal) ; on la pose avec soin sur la dite pierre
et à l’aide d’une roulette, ainsi que l’on transporte les épreuves sur faïence,
on la décalque sur la pierre en promenant et appuyant également la roulette sur
l’épreuve jusqu’à ce qu’elle soit entièrement passée sur la pierre ; il est nécessaire
que la pierre soit un peu chaude ; pour cela, on la met dans une étuve ; il ne faut
pourtant pas qu’elle le soit trop ; pour atteindre l’état voulu, il faut que la
joue la supporte longtemps sans qu’elle la chauffe trop. Le corps gras de l’huile
qui est la base de l’encre ou le crayon lithographique s’incorpore aussitôt dans
la pierre autant qu’il y a de superficie de couleur sur l’épreuve, ce qui donne
la finesse et le fort de la taille du point de lavis ou de crayon, enfin du genre
de gravure que vous transportez…
Ce vingt sept février mil huit cent dix huit
Legros d’Anisy
NDLR
(1) Le fiel
de carpe (bile) est connu depuis le moyen âge comme un
pigment donnant la couleur jaune.
(2) Au 18ème siècle, on désignait sous le vocable
de « Cristaux de Venus » l’acétate de cuivre cristallisé.
(3) Le « papier
joseph » a été crée par Joseph de Mongolfier qui l’utilisait pour effectuer des
filtrages très purs.
(4) L’ « esprit de vin » désigne au 18ème siècle
l’éthanol ou alcool éthylique obtenu par distillation du vin ou d’une boisson fermentée.
(5) L’Encyclopédie
méthodique, publiée en 1805 par Panckouke-Agasse, cite la colle de Flandre,
au même titre que la colle de poisson, comme exemple de colle faite avec les parties
délicates des jeunes animaux ou avec
des membranes minces et molles ; cette colle est réputée plus blanche, plus dissoluble,
moins visqueuse ; elle jouit d’une grande transparence.
(6) Godefroy Engelmann (1788-1839), né et mort à Mulhouse,
est l’introducteur de la lithographie en France. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages
sur cette technique dont un « Traité théorique et pratique de la lithographie ».
L’application de gravures
On rencontre parfois des objets en tôle peinte dont la
décoration est réalisée par le simple collage sur la tôle d’une gravure tirée sur
papier en noir, en grisaille ou en couleur puis vernie.
Il semble que l’utilisation de cette technique, plus rudimentaire,
soit apparue à la fin de la 1ère moitié du 19ème siècle.
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Voici quelques exemples d’objets utilisant le procédé d’impression
et l’application de gravures :
35
41
65
Coll Cazenave
22
66
Mots-clés: impression, Tôle peinte