2 - Aperçu historique

yves Publié le 24 mai 2007 Mis à jour le 16 janvier 2009 Imprimer cette Page

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En France

 

 

En 1660, au Japon, apparaît un procédé d’application de laque sur des plats en métal. Un marchand asiatique diffuse cette production en France.

 

 

On eut, de bonne heure, l’idée de revêtir le fer d’un enduit destiné à empêcher son oxydation car une protection contre  la rouille était évidemment importante même si l’étamage avait  pu être  mis au point en Allemagne.

Mais l’aspect plutôt modeste du fer-blanc le faisant rejeter, on chercha le moyen de décorer la tôle afin de lui donner une apparence plus en rapport avec le luxe qui était à l’honneur à la fin du 18ème siècle.

 

Le goût des laques

 

Un expert, Georges Dillée cite, à propos de la vente d’une exceptionnelle paire de vases pots pourris par la SVV Piasa le 9 décembre 2007, un article dédié à l’engouement pour les laques en France au 18ème siècle, intitulé « Beckford, Madame de Pompadour, The Duc de Bouillon and The taste for Japenese Lacquer in the 18th century, France, Gazette des Beaux Arts 1963 ».

L’auteur, Francis J.B Watson, note que les objets en laque, importés d’Orient, connurent, auprès des collectionneurs parisiens, un enthousiasme équivalent à celui pour les vases en porcelaine.

 

Néanmoins, peu d’objets en laque, encriers, plateaux et autres petits objets sont décrits dans la profusion de cadeaux offerts par les ambassadeurs de Siam à Louis XIV en 1680. Le Roi reçut une douzaine de petites pièces en vernis japonais. En dépit de leur nombre restreint, ces objets génèrent un grand intérêt, mais qui ne se développa réellement qu’un demi-siècle plus tard.  Entre les années 1740 et la Révolution, toute grande collection comportait une sélection dédiée aux laques orientales classées par catégorie, les objets étant désignés sous l’appellation de laques du Japon ou anciens laques du Japon.

 

Une vente pourrait être citée en exemple : celle du Chevalier Antoine de la Roque en 1745, qui ne comportait pas moins de 57 lots d’objets en laque, rassemblés dans une section du catalogue dont la préface fut réalisée par Gersaint, célèbre marchand mercier dont la boutique, située sur le Pont Notre-Dame, fut immortalisée par Watteau : le tableau est de nos jours conservé au Musée de Berlin. Dans cet essai, Gersaint mentionne la difficulté pour trouver les plus belles pièces et les prix exceptionnels demandés pour les pièces de choix.

 

Quelques dizaines d’années plus tard, en 1777, Juliot, autre grand marchand mercier, parle également des laques orientaux lors de la rédaction du catalogue de la collection Randon de Boisset. Il encense leurs formes remarquables, leurs dessins originaux, la très belle qualité de leur dorure et leur excellent fini. C’est, de toute évidence, sous la direction de marchands de cette importance que le marché parisien des laques orientaux prit son essor. Les marchands achetaient en vente, ou importaient les pièces les plus rares qui méritaient d’être montées en bronze doré. Les vases tout particulièrement, à l’instar des vases en porcelaine, reçurent d’élégantes montures, le plus souvent dans le goût rocaille, parfois dans l’esprit néo-classique.

 

Parmi les exemples les plus célèbres, citons tout particulièrement une paire de vases pots-pourris en laque de la Chine, à monture rocaille, conservée au Musée du Louvre et provenant des collections de Louis XV au château de Bellevue, ainsi qu’un très beau vase en laque du Japon des collections de la Reine Elisabeth II à Buckingham Palace, illustré dans l’ouvrage de M Jarry « Chinoiserie, Chinese Influence on European Decorative Art, 17th and 18th centuries, Fribourg, 1981, p216 ».

 

Pour des modèles à monture néo-classique, mentionnons un rare pot-pourri, également dans les collections royales britanniques (M Jarry, op.cit  p218) ainsi qu’un vase vendu lors de la dispersion de la collection de M Dubois-Chefdebien, les 18 et 19 décembre 1940, lot n°130.

 

L’essor de la fabrication en France

 

 

Ce n’est vraiment qu’à la fin des années 1760 qu’on vit apparaître en France, la fabrication d’objets en tôle vernie, favorisée par le développement des moulins métallurgiques, et progressivement l’essor d’un commerce d’objets utilitaires et de charme.

 

Dans le « Dictionnaire raisonné universel des Arts et Métiers » , ouvrage contenant l’histoire, la description, la police des manufactures de France et des pays étrangers » de l’abbé Pierre  Jaubert, paru en pleine effervescence révolutionnaire, on peut lire un article fort documenté sur l’art de vernir les tôles.

 

La peinture sur tôle, dit-il, est d’un usage très ancien en Turquie. On y peint également sur cuivre. On fait de ces métaux des cafetières, des théières et d’autres vaisseaux qu’on couvre d’un vernis qui résiste à l’action du feu.

 La qualité de ces vernis, réunie à la beauté des vases qu’il décorait, excita l’émulation des étrangers.

On essaya en Italie, en Angleterre, en France et ailleurs d’imiter ce procédé du Levant. Le premier qui y réussit fut un particulier qui s’établit à Rome il y a près de quarante ans. Les vaisseaux qu’il y vendait étaient recouverts d’un vernis qu’il prétendait être le véritable vernis de Chine, à l’épreuve du feu. Pour le prouver, il mettait ses vases sur des charbons allumés sans qu’ils souffrissent aucun dommage quoiqu’ils s’y échauffassent de manière à pouvoir faire du café. ».Ces expériences stimulèrent la curiosité des chercheurs qui ne tardèrent pas à  découvrir que le « vernis d’ambre » appliqué sur un métal quelconque ne s’en détachait pas quelle que fut la chaleur à laquelle l’objet était soumis.

 

D’après Jaubert, le premier homme qui fut arrivé à ce résultat pratique est un jésuite italien, Buonanni, qui ayant découvert la manière de couvrir  et de cuire les pièces qu’il vernissait, constata qu’il était nécessaire, de préférence à tout autre système, de tenir suspendue sur le feu la plaque ou le vase vernis, car de cette façon, toutes les parties étaient chauffées en même temps.

 

Pour soutenir la pièce dans une position toujours horizontale, pour l’approcher ou l’éloigner plus commodément du feu, il avait inventé un triangle composé de trois baguettes de fer courbées dans leur parties intérieures et extérieures, c’est-à-dire garnies de crans afin que, par le moyen d’un anneau, on puisse serrer les trois baguettes embrassant l’objet ou la plaque exposés au feu avec le minimum de points de contact.

 

Jaubert nous apprend que les ouvrages de tôle qu’on vernissait le plus commodément après être sortis des mains des ferblantiers ou des chaudronniers étaient « les seaux à mettre à rafraîchir les liqueurs, les seaux à tenir dans l’eau les verres à boire, les cabarets garnis de toutes les pièces qui leurs sont nécessaires, les bassins à barbe, les garnitures de cheminée pour y faire végéter des bulbes de fleurs, les ustensiles de toilette, les corbeilles de toutes grandeurs, les surtouts de table, les plateaux, les vases de toutes espèces de quelque manière que l’on puisse désirer. ».

 

Les frères Martin, qui avaient acquis une grande renommée avec l’invention de leur fameux « vernis », ne tardèrent pas à s’intéresser  à cette industrie amenée de Hollande via le Pays de Galles .Il ne fait aucun doute qu’ils ont largement influencé, par leurs créations, les formes et la production des tôles peintes à la fois en France et en Hollande.

 

Etienne Simon Martin fut le premier à se lancer à Paris. Il obtient le monopole en 1774 puis il décède en 1777, enterré en l’église Saint Laurent.

 

Cette même année 1774, Havard signale, dans le « Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration »  paru dans «Le Mercure » de mai,  qu’un certain Clément s’est installé comme maître vernisseur. Il produit notamment des panneaux de tôle ornés de fruits ou de fleurs destinés à remplacer les traditionnels panneaux de bois peint. Au début, sa production est surtout utilisée pour les carrosses  et  chaises à porteur. Il ne tarde pas à fabriquer  des objets d’usage quotidien tels que boîtes à thé, boîtes à biscuits, cendriers ainsi que des boîtes à perruque, boîtes à épingles (voir le tableau de Watteau « A l’enseigne de Gersaint »), boîtes à poudre, coffrets à mouches, et tous accessoires de beauté pour ces dames.

  

Bientôt, plusieurs autres fabriques voient le jour à Paris.

 

En Angleterre

 

Selon lady Walston, les objets laqués semblent avoir été importés en Angleterre pour la première fois par Charles II  (1630-1685). Selon J Kyrle Fletcher, dans un article sur  « Pontypool and Usk-Japan » paru dans le catalogue de la « Special Loan Exhibition » tenue en 1914 dans les « Glyn Vivian Art Galleries  Swansea », il amena de petits articles en provenance de l’Europe de l’Est.

 

Il n’est pas dit en quelle matière étaient ces objets, mais HJL Massé dans « The Pewter collector » écrit : « Une absurdité parfois commise était de peindre ou de laquer les objets domestiques fabriqués en alliage de plomb et d’étain ». Effectivement, en 1662, il était interdit de peindre ou de dorer les alliages et de telles pièces étaient confisquées, sauf s’il s’agissait d’objets peu importants et simplement destinés à des cadeaux.

 

La date de 1662 semble bien être la plus ancienne où ce type de décoration puisse être relevé. Un peu plus tard, on voit un certain Thomas Allgood, natif de Northampton, s’installer à Pontypool comme gérant de la maison John Hanbury’s.

 Selon « The Hundred of Abergavenny » (cf. Histoire du Montmouthshire), il fut le premier à découvrir un procédé pour  laquer la vaisselle en fer et après plusieurs expérimentations à finir par trouver « une substance, qui pouvant être appliquée à chaud sur le métal, reproduisait une laque dure ».

 

A sa mort en 1710, il transmit le secret à ses fils et ses descendants continuèrent cette industrie à Pontypool jusqu’en 1822. Une activité similaire se developpa à Usk. La caractéristique principale de ces productions est une finition rappelant l’écaille de tortue ainsi que des décors d’algues rouges et de papillons.

 

En Hollande

 

La fabrication de la tôle peinte semble avoir commencé vers 1700.

Il est fort probable que ce soit l’anglais Allgood qui ait été  à l’origine de l’introduction de tels articles dans le pays, articles qu’il exportait sur le continent depuis son entrepôt en bordure de rivière à Carleon-upon-Usk via Bristol.

 

Ultérieurement, la Hollande envoya certaines de ses productions  au Pays de Galle pour qu’elles y soient peintes et décorées.

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