3.1.1 ° Panorama des manufactures parisiennes

yves Publié le 25 mai 2007 Mis à jour le 14 janvier 2009

 

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Panorama selon Henri René d’Allemagne

La manufacture du sieur Clément à la « Petite Pologne » en 1768

La première manufacture de ce genre qui se soit montée en France fut celle que le sieur Clément avait établie à en 1768 à la «Petite Pologne » à Paris (actuel quartier Monceau).

En 1770, le « Mercure de France » du mois de mai, informait que cet homme industrieux venait d’établir le dépôt de sa fabrique chez le sieur Framery, marchand bijoutier rue Saint Honoré, puis il ajoutait : « Les nouveaux efforts que le sieur Clément a faits pour atteindre à la perfection sont déjà récompensés par la qualité de fournitures qu’il a faites en voitures, baignoires, commodes et autres meubles. Ses couleurs perfectionnées ont achevé de rendre ses ouvrages dignes de la célébrité qu’ils avaient acquise. Sa manufacture est toujours à la Petite Pologne. ».quelques mois plus tard, Clément confiait le dépôt de sa fabrique au sieur Dulac demeurant rue Saint Honoré, près de l’Oratoire.

Reprise de la manufacture de Clément par Framery

Cependant, malgré ces annonces élogieuses, les produits de Clément étaient loin d’atteindre le degré de perfection qu’il leur prêtait et ils étaient très inférieurs aux ouvrages importés chez nous par les Anglais. Aussi l’industrie ne tarda pas à péricliter. Les ouvriers de la manufacture de Clément étaient sur le point de se disperser et de porter ailleurs leurs talents lorsque le sieur Framery, le premier dépositaire de Clément se hasarda à les rassembler pour les faire travailler à son compte.

« Framery, nous dit Jaubert, a abandonné les manières de traiter des Anglais quant à ce poli luisant dont il recouvrent le fond écaille qui sert de base à tous leurs ouvrages et quant à la beauté des peintures à moins qu’on lui demande exprès et que les amateurs curieux ne veuillent y mettre le prix. Pour se prêter au goût actuel du public, il ne fait exécuter chez lui que des ouvrages qui ont une couverte d’aventurine, de japonné, de faux-laque de Chine et de fausse porcelaine que l’on fait avec une certaine terre modelée en relief et qui conserve toujours un luisant mat malgré le vernis très limpide dont on recouvre l’or et les couleurs qu’on y applique. ».

La manufacture de Clignancourt 1778

En 1778, une nouvelle manufacture de tôle vernie était établie à Clignancourt et dans « Le Mercure de France » du mois de janvier de cette année, le propriétaire de cet établissement proposait au public : « des garnitures de cheminées et écritoires en tôle vernie de la fabrique de Clignancourt, très perfectionnées pour les peintures, tant à sujets qu’à fruits et à fleurs, imitant les plus belles porcelaines et garnies de bronze doré d’or moulu »

La manufacture du citoyen Deharme à l’exposition de 1799

En 1799, dans la première exposition d’art industriel que Paris ait vue et qui était organisée dans la cour du Palais National des Sciences et des Arts pendant six jours complémentaires de cette année, on avait fort admiré les objets de tôle vernie sortis de la manufacture du citoyen Deharme.

« Cet ingénieux artiste, disait Le Mois, a trouvé le moyen d’établir en tôle vernie et dorée des vases de la forme la plus élégante dans le genre grec ou étrusque et de les décorer de peintures les plus agréables et ornements les plus baignoire. Il demeure rue de la Magdeleine, près de l’ancienne église de la Ville l’Evêque ».

Le public faisait un accueil enthousiaste à ces objets tant à cause de leur aspect séduisant que de leur solidité et de leur bon marché relatif.

Les tôles du sieur Tavernier au 19ème siècle

Un des fabricants de tôles vernies les plus renommés du début du 19ème siècle était le sieur Tavernier (Jean ? cité dans l’index du tome III des Procès-verbaux du Directoire, 18 vendémiaire an VI, archives nationales), rue de Paradis 12, qui, à l’exposition des produits de l’industrie réunie au Palais du Louvre en 1819, avait présenté au public des vases, des plateaux et des sujets en tôle vernie de diverses couleurs, plaqués d’or et ornés de bronze.

Le rapporteur du jury d’admission à cette manifestation industrielle nous renseigne sur la fabrication du sieur Tavernier : « La manufacture du sieur Tavernier obtint en 1801 une médaille d’or. Depuis cette époque, elle s’est particulièrement attachée à perfectionner sa fabrication ainsi que le prouvent les objets qu’elle présente. C’est dans cette belle fabrique qu’ont été faits les grands vases de la Galerie de Diane et de la Chapelle du Roi. ».

A l’exposition de 1823, un concurrent sérieux de Tavernier s’était révélé : le sieur Pierre Lessard, rue Saint Denis 302, qui présentait entre autres objets, des lampes, quinquets et candélabres en tôle vernie.

Moirés métalliques

On doit faire rentrer dans la catégorie des tôles vernies le décor sur métal appelé « moiré » dont on rencontre encore de nos jours d’assez nombreux spécimen.

A l’exposition du Louvre en 1819, un certain Allard, rue Saint Lazare 11, avait présenté une série remarquable d’objets exécutés sur fer-blanc français et étranger décorés de moire métallique.

Le rapport du jury d’admission nous donne sur cette fabrication ainsi que sur la maison Allard les renseignements suivants : « La fabrication du moiré métallique, à laquelle on ne reproche que de se multiplier avec trop de facilité puisqu’elle est aujourd’hui aussi commune et aussi répandue que le fer-blanc et la tôle vernie, est pour les arts qui emploient le fer-blanc une découverte importante, mais déjà anciennement faite dans nos laboratoires de chimie et dont plusieurs fabricants ont néanmoins réclamé la priorité.

Monsieur Allard a plus que personne contribué à perfectionner les moirés et il est parvenu à en varier les effets au point de faire à volonté le moiré foncé, sablé, étoilé, et quadrillé double. C’est encore à cet artiste intelligent que nous devons les procédés pour obtenir avec les fers-blancs français tous les effets magnifiques qu’on n’obtenait primitivement que des fers-blancs anglais.

Le sieur Allard avait un concurrent en la maison Boileau et Vincent peintres, rue Saint Maur 76, qui avait exposé des fers-blancs moirés qu’ils appelaient « mosaïques métalliques » et étaient destinés à orner les meubles, cabinets et nécessaires.

L’industrie de la tôle laquée, après avoir subi un arrêt complet pendant la seconde partie du 19ème siècle, semble être revenue plus en honneur que jamais surtout près des collectionneurs qui s’arrachent à prix d’or quelques spécimens qui ont survécu de la production du 18ème siècle.

Panorama selon Denise Ledoux-Lebard

Comment un matériau industriel, transfiguré par d’habiles artisans, a pu rivaliser avec les matières les plus précieuses et conquérir une place de choix jusque dans les palais les plus prestigieux.

Dès leur apparition, les objets en tôle peinte connaissent un vif succès qui ne fait que croître sous l’Empire et la Restauration où ils deviennent très à la mode. Mais le statut des corporations, cloisonnant les professions, freinait l’essor de ces fabrications qui ne nécessitaient pas moins de vingt-cinq états différents: ferblantiers, tôliers, mouleurs, vernisseurs, peintres, doreurs, ciseleurs, etc. La suppression des maîtrises permit d’étendre ces fabrications en leur donnant une nouvelle orientation, allant des objets les plus simple et les plus usuels aux meubles les plus importants.

La manufacture de J F Deharme

Un nouveau venu, J F Deharme, s’établit à Paris en 1792, rue de la Madeleine, où il « travaille à perfectionner ses découvertes (faites) pendant la Révolution ». C’est certainement le meilleur créateur artisan, fondateur de l’importante « Manufacture de tôles et métaux vernis », qu’il installe dans le faubourg Saint Denis, rue Martel, en développant ses ateliers. Cette manufacture subsistera sous différentes raisons sociales, car son fondateur est un piètre commerçant, jusqu’ à la fin de Restauration.

Le gouvernement s’intéresse vivement à ses créations. Un long rapport invite à encourager Deharme, car il imite et surpasse même les Anglais : « Ses produits sont d’un genre nouveau qui honore les arts et il en a porté la perfection à un degré supérieur. ». Le gouvernement tient en effet à aider cette nouvelle industrie, source d’importants débouchés et surtout, ce sera son souci constant, à la voir supplanter l’industrie anglaise, jusqu’alors prépondérante dans ce domaine.

Les mérites de Deharme sont reconnus à l’exposition des « Produits de l’industrie » de 1799 où sa maison figure parmi les douze distinguées par le Jury pour « ses divers ouvrages en tôle vernie, ornés de dessins et peintures d’une grande beauté ».

A l’exposition suivante, en 1801, il obtient une médaille d’or « pour être parvenu à rivaliser avec les Anglais pour les objets de consommation courante et à les surpasser infiniment pour ceux de luxe ». Soutenu par le ministre de l’Intérieur, Deharme obtient des commandes pour le palais des Directeurs, au Luxembourg, pour diverse écoles, pour la décoration des fêtes nationales, enfin pour l’installation des consuls aux Tuileries en 1800.

A titre de secours et d’encouragement, on lui passe commande en mai 1799, ainsi qu’à son associé Dubaux, d’une grande table en tôle peinte pour les Tuileries au prix de 10 113 francs, somme importante à l’époque ; aussi éprouve-t-il des difficultés à se faire payer.

Si la manufacture de la rue Martel demeure seule capable d’entreprendre la fabrication de meubles et d’objets de grande taille en tôle vernie, son fondateur n’en est pas moins aux prises avec de nouvelles et graves difficultés financières.

Une société en commandite, avec MM Dubaux et Rey, est crée en septembre 1802, Deharme restant responsable de la fabrication. Mais à peine deux ans plus tard, malgré des commandes officielles et des encouragements dont un prêt de 100 000 francs, il ne peut éviter la faillite.

Les successeurs de J F Deharme

Ses successeurs, Monteloux-la-Villeneuve, Janvry et Flamard, qui emploient cent quarante ouvriers et artistes, utilisent une arme nouvelle : la publicité.

Ils éditent un catalogue de leurs productions et une notice sur des objets de très grande classe, présentés à l’exposition de 1806, qui leur ont valu une médaille d’or. Leurs prospectus vantent « la beauté et l’élasticité de leurs vernis » et déclarent « que de moyens cet établissement vraiment national n’offre-t-il pas pour les jardins, pour embellir et chauffer les appartements, créer des salles de bains ». Ils diversifient de plus leurs fabrications, perfectionnent une invention aussi ingénieuse qu’utile: des meubles formant coffre-fort mettant les papiers à l’abri du feu et prennent en 1807 un brevet de perfectionnement pour la fabrication d’objets en carton dits « laque français » qui, grâce à un vernis genre Martin, deviennent aussi solides que la tôle. Le procédé prendra un grand essor sous Louis-Philippe et jusque sous le Second Empire.

En 1812, la fabrique passe dans les mains de Tavernier & C°, qui la conservera jusqu’à la Restauration.

Malgré ces changements de direction la fabrique de la rue Martel était restée fidèle à sa spécialité, grâce à l’impulsion donnée par son fondateur Deharme, le grand fournisseur du Garde-meuble impérial, puis royal.

Après son départ, il semble que l’esprit inventif disparaisse peu à peu et, à l’exposition de 1819, Tavernier n’obtient plus qu’une mention honorable pour ses vases vernis très élégamment décorés.

Le retour de Deharme

Deharme lui, rouvre bien vers 1808, sous le nom de sa belle-mère, la veuve Fajard, une nouvelle manufacture de métaux, rue du Faubourg Saint-Denis, où il continue « à faire succès, sur des dessins du meilleur choix, de tous les ouvrages soit de bâtiment, de goût, soit usuels qui peuvent se fabriquer en métaux forgés, fondus, martelés,emboutis, tournés, ciselés, vernissés, décorés en imitation d’agates et pierres précieuses, dorés au vernis d’après les meilleurs et les plus nouveaux procédés… ».

Il est bientôt chargé de travaux pour l’abbaye de Saint-Denis, recommandation qui lui permettra, au retour de Louis XVII, de postuler le titre de « fabricant en bronze du roi » et pour réclamer le règlement de travaux exécutés huit ans auparavant. Bien que son entreprise soit citée jusqu’en 1823, il ne parviendra pas à retrouver son ancienne notoriété, malgré ses talents évidents.

Les autres manufactures sous l’Empire et la Restauration

En dehors de la manufacture de tôle et métaux vernis de la rue Martel et de celle de Deharme, on en relève peu d’autres dans les Almanachs du commerce : cinq en 1812, une dizaine sous la Restauration.

Citons : Hautin, rue Grange-Batelière ; Lehoux, rue du Maine; Jolly, rue des Fossés-Saint-Germain-l’Auxerrois et Boulanger, ex-directeur de la manufacture de la rue Martel, établi dès 1815, 144 rue du Faubourg-Saint-Denis, dont l’entreprise subsistera durant le règne de Louis-Philippe

Ces différentes fabriques se partagent la fabrication de tous ces objets charmants, d’utilisation journalière, dont le décor fait toute la valeur. Leur variété est grande, des plus courants aux plus luxueux : plateaux, seaux, verrières, cafetières, théières, bouilloires à thé, fontaines de salle à manger, mais aussi baignoires et lits de fer, pelles, pincettes, garde-cendres, chenets, flambeaux, bougeoirs, pots à eau, caisses à fleurs, vases, vide-poches, athéniennes, cartels, pendules, tables et guéridons, surtouts de table.

Des objets exceptionnels sous l’Empire

Pour trouver des objets plus exceptionnels, il faut revenir sur les importantes commandes obtenues sous l’Empire par la Manufacture de vernis sur métaux, la seule qui osât tenter de grandes réalisations et s’entourer d’artistes en renom.

Une remarquable table ronde en tôle vernie avec pieds rectangulaires à l’imitation du porphyre est livrée pour 1011 francs, en mai 1801, aux Tuileries. Installée dans le salon de Musique de Joséphine, elle sera envoyée en 1807 au palais de Fontainebleau. D’autres tables, plus simples, en laque français, sont achetées pour les palais impériaux, ce qui montre que ce procédé avait fait son entrée officielle. Pour 850 francs, une table ronde de plus d’un mètre de diamètre, imitant le porphyre antique, soutenue par cinq colonnes également en laque français, est fournie pour le salon de Famille de Saint-Cloud. Une autre table ronde, de 1,92 mètre de diamètre avec un pied triangulaire, orné de griffes patères et lampes antiques, sculpté et doré, à 800 francs, est placée dans le Salon de musique de l’Impératrice aux tuileries ainsi que plusieurs autres guéridons.

Pour obtenir le prêt de 100 000 francs évoqué plus haut, Deharme et Dubaux proposent, en 1804, au Garde meuble des objets en tôle vraiment exceptionnels.

Il s’agit de deux grands vases ornementaux et de deux candélabres, dont les dessins sont de l’architecte François Debret, proposés par Percier, qui les a corrigés. Les motifs égyptiens ont été puisés à la meilleure source : « La Description de l’Egypte » de Denon. Les meilleurs artistes doivent être employés à ces chefs-d’œuvre et un rapport du Conservatoire des arts et métiers se montre fort élogieux à leur sujet.

Un candélabre est de style romain, l’autre égyptien. L’un des vases à la Médicis, le second égyptien.

Ces vases sont en tôle de cuivre avec un bâti en fer, leur monture en bronze doré, leur peinture imitant le jaspe, le porphyre et les pierres fines. Des scènes peintes par Degaut représentent les « Pestiférés de Jaffa » et la « Batailles des pyramides ».

Le devis s’élève à 25 858 francs pour le premier candélabre, à 28 642 francs pour le second, à 32 834 francs pour le vase Médicis et à 34 668 francs pour le vase égyptien. Ces prix sont très élevés mais correspondent à la qualité exceptionnelle et aussi à la très grande taille, 3,10 mètres pour les vases, nécessitant la construction d’un grand four.

Le vase égyptien figure à l’exposition de 1806 et est décrit et reproduit à cette occasion dans l’Athenaeum des Arts. Les exposants reçoivent une médaille d’or. Les vases placés aux Tuileries dans les Grands Appartements, puis dans la galerie de Diane, trop chargés d’emblèmes impériaux subirent d’importants changements sous la Restauration. Ils sont présentés, depuis la monarchie de Juillet, au Louvre.

Le célèbre ensemble de meubles exécutés pour monter les malachites, présents du Tsar Alexandre 1er à l’Empereur et destinés à son grand cabinet des Tuileries, fut aussi complété à la suite d’une commande du Garde-Meuble, par quatre fûts de colonnes en cuivre verni à l’imitation de malachite. Ce modèle, déposé à la manufacture, alors dirigée par Tavernier, devait recevoir les girandoles et les montures fournies et ajustées par Jacob Desmalter, dont les bronzes étaient aussi remarquables que les meubles. Parmi d’autres productions de la célèbre manufacture, citons en premier la magnifique rampe de l’escalier d’honneur du palais de l’Elysée., exécutée pour le grand duc de Berg, « avec une composition métallique, dure, sonore, aussi belle que l’argent le mieux poli » dont quelques parties furent présentées à l’exposition de 1806. Signalons quatre colonnes tronquées, surmontées de vases imitant le porphyre rouge et ornées de bronzes dorés, dans lesquels on peut mette des fleurs ou des girandoles.

Mentionnons encore, en 1812, deux boîtes de pendules en forme de colonnes à l’imitation du marbre, entourées d’un serpent en bronze doré, indiquant les heures, toujours dans les collections nationales.

Le débouché des appareils d’éclairage

La fabrication des appareils d’éclairage constitue le second grand débouché de la tôle peinte et par son importance mérite quelque développement.

Depuis le brevet d’invention pris en 1800 par Carcel pour des lampes dans lesquelles l’huile monte par un mécanisme à pompe dit « lychnomème », c’est la tôle qu’on utilise. En effet, les lampistes, fabricants de lampes, lustres et quinquets, emploient généralement la tôle qui se prête à une grande variété de formes et supporte la chaleur.

Deux grandes maisons se partagent sous l’Empire les commandes officielles : les frères Girard et Duverger. Sous la Restauration apparaissent quelques autres fabriques. Les frères Girard prennent à leur tour deux brevets de perfectionnement pour un nouveau mécanisme applicable aux lampes à double courant d’air, les quinquets en 1803 et pour les lampes hydrostatiques et hydrauliques l’année suivante.

D’ abord établis « au Panorama », puis rue de Richelieu en 1807, les frères Girard reçoivent une médaille d’argent à l’Exposition de 1806. Satisfaits de l’effet des lampes de leur invention remarquées à une fête donnée pour la princesse Murat, l’impératrice Joséphine et l’empereur leur en commandèrent une paire pour un appartement à Fontainebleau. L’inventaire de 1807 les décrit ainsi : deux lampes en forme de vase ovoïde avec leur globe de cristal, décorées de sujets peints par Mallet, représentant l’un « l’arrivée triomphale des chefs-d’œuvre conquis en Italie » et l’autre « les hommages offerts à l’impératrice par l’Agriculture et la Botanique ».

Les socles étaient peints en agate herborisée « de la plus belle imitation » et les ornements en bronze doré. La paire fut achetée 3 500 francs.

Ces fabricants annoncent en 1807 que « leurs produits commencent à se répandre dans toute l’Europe et à devenir un objet important d’exportation ». Ils occupent alors trente ouvriers. Ils n’en sont pas moins obligés de solliciter un prêt du gouvernement qui leur est accordé. Ils inventent alors un nouveau « procédé permettant de décorer mécaniquement la tôle et les autres objets vernis, d’ornements avec des dessins en or et argent ». Ce procédé très économique annonce, hélas, le début d’une industrialisation qui nuira grandement à la qualité des objets.

Duverger, rue Neuve-des-Petits-Champs, se qualifie d’ « illuminateur du palais des Tuileries ». Il est le grand fournisseur de lustres et de quinquets, de lampes à double courant d’air et d’ouvrages en tôle vernie.

D’autres fabriques se fondent sous la Restauration: Chopin, lampiste, rue Saint-Denis,breveté pour ses lampes à demi-parabole ; Lessard, installé passage Basfour, entre la rue Saint Denis et la rue Grenetat, le premier à avoir adapté les lampes à courant d’air aux lustres, à la place des bougies. Marsaux, lui succèdera. Garnier fabrique des lampes à courant d’air de modèles très variés et élégamment décorés ; il en est récompensé par une mention honorable en 1819. Compain, lampiste, fournisseur de la maison du Roi, établi rue de Bourbon, est chargé d’entretenir les lustres à quinquets. A l’avènement de Louis XVIII, il est requis de peindre en « bleu de roi » les lampes des Tuileries et d’en changer les armoiries.

Une qualité en baisse

Mais au fur et à mesure que l’on avance dans le 19ème siècle, la fabrication en série, grâce à l’industrialisation, fait baisser la qualité des objets et leur fait perdre toute originalité comme dans la plupart des branches de l’ameublement. La découverte d’un procédé de décor mécanique constitue l’un des principaux facteurs de cette vulgarisation dont bénéficieront seuls les objets d’utilisation courante qui voient leur prix de revient s’abaisser et dont la vogue continue jusqu’en 1850.

La dernière belle époque des objets en tôle vernie demeure donc le Directoire et le début de l’Empire. Des artisans tel Deharme s’évertuaient alors à donner un nouvel essor à cette branche de l’art décoratif en la diversifiant par de nouvelles applications et en créant de nouveaux modèles. Ils collaboraient avec des artistes en renom, peintres pour décorer les vases et bronziers pour exécuter les montures. En 1806, la manufacture de la rue Martel avait pu diviser ses productions en quatre classes dont nous avons vu des exemples, objets en métal verni et ornés de bronze doré au mat, ceux imitant les plus beaux marbres, ceux plus simple, vernis et dorés, enfin en dernier lieu, ceux « en laque français ». L’imitation était si parfaite que lorsque le pape Pie VII visita la manufacture, le 11 janvier 1805, le Moniteur rapporte qu’il parut étonné de la quantité des ouvrages fabriqués et de la perfection d’imitation des marbres de toutes espèces.

Les objets en tôle, dont beaucoup se sont conservés jusqu’à nous, sont d’une grande variété depuis les plus luxueux, montés en bronze, jusqu’aux plus simples seulement vernis. C’est donc uniquement le décor qui enrichit les œuvres jusqu’à en faire un objet d’art, grâce aux artisans artistes créant selon leur personnalité propre des œuvres où leur esprit d’invention donne à ces réalisations tout leur charme et toute leur valeur artistique avec une perfection technique rarement atteinte depuis.

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